Bonjour a tous
voici une partie de l'article sortit de Mer et marine de ce jour
vous pouvez le consulter au complet en
cliquant ici Plongée dans le monde de la guerre des mines
14/12/2012
Brest, bâtiment de la force d’action navale. De la fenêtre du capitaine de vaisseau Frédéric Benon, on aperçoit une partie des bâtiments de la flotte dédiée à la guerre des mines. Chasseurs de mines tripartites, bâtiments remorqueurs de sonars, bâtiment de soutien de plongée, bâtiment d’expérimentation de guerre des mines… « Nous avons beaucoup de moyens ici à Brest. Au sein de la force d’action navale, la force organique de guerre des mines a une organisation bien spécifique, très centralisée. Ici, je commande un état-major de 20 personnes en charge de la conduite des opérations de guerre des mines. Dans le bâtiment à côté, il y a l’antenne délocalisée de l’état-major et l’école de formation. Tout se décide ici. »
Le capitaine de vaisseau Frédéric Benon (
MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Une présence brestoise qui s’explique par la présence de la base de l’Ile-Longue, de l’autre côté de la rade. « Notre première mission, c’est la protection et particulièrement celle des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin contre le risque des mines. » Inlassablement, les huit chasseurs de mines tripartites (CMT) brestois (- trois CMT sont également déployés à Toulon, notamment pour la protection du porte-avions Charles de Gaulle -) « ratissent » les fonds de la rade de Brest à la recherche d’un écho suspect. Les bâtiments remorqueurs de sonars font régulièrement un état des lieux pour dresser une cartographie mise à jour en permanence. Et, quand il y a des endroits où les navires ne peuvent se rendre, ce sont les hommes du Groupement des Plongeurs Démineurs (GPD) qui plongent. « La rade de Brest est un terrain extrêmement exigeant, il y a des cailloux partout, les marnages et les courants sont importants. Travailler ici obligent nos hommes et nos équipages à maintenir un niveau opérationnel très élevé ».
(
MARINE NATIONALE)
Car s’il y a un domaine où la France est largement reconnu au niveau mondial, c’est bien la guerre des mines. Une composante peu connue de la Marine, mais pourtant essentielle. Déjà parce que les approches de nos côtes, particulièrement en baie de Seine et donc sur un des axes commerciaux majeurs, sont encore truffées d’engins historiques, régulièrement mis à jour. Ensuite parce que la mine est une arme encore régulièrement utilisée dans les conflits mondiaux. Contrairement aux mines anti- personnelles terrestres, l’usage de la mine en mer est autorisé et codifié par des textes internationaux. « C’est une arme du combat naval à part entière. Des industriels européens en fabriquent. Et elles sont encore très utilisées ». En 1987 à Suez et surtout en 1991, devant les côtes koweitiennes, les mines ont su rappeler leur présence aux forces navales occidentales. « La première guerre du golfe a provoqué une prise de conscience sur l’importance de la guerre des mines. Les forces de Saddam Hussein avaient miné toutes les approches du Koweït. Des bâtiments de la coalition ont subi des graves dommages alors qu’ils essayaient de se rapprocher. Il a fallu interrompre les opérations pour envoyer des chasseurs de mines libérer le terrain ». Ce sont les Européens, Français en tête, qui ont effectué la mission. « Cela fait trente ans que l’on chasse la mine avec une flotte de bâtiments qui sont, encore actuellement ce qui se fait de mieux. Nos 850 marins ont des compétences très pointues, que ce soit les détecteurs anti sous-marins sur les bâtiments ou les plongeurs-démineurs qui peuvent intervenir dans tous les théâtres d’opérations. Et, puis, nous avons en France le meilleur sonariste du monde avec Thalès. Tous ces éléments font que la guerre des mines est un domaine dans lequel notre savoir-faire est internationalement reconnu. »
(
MARINE NATIONALE)
Un savoir-faire qu’il faut entretenir en permanence. « La menace des mines, à l’image de l’ensemble des armes du combat naval, évolue. Les mines deviennent de plus en plus furtives, certaines sont acoustiquement transparentes. Il nous faut faire évoluer nos connaissances techniques en permanence, de manière à pouvoir établir des contre-mesures adaptées. » Pour cela, il faut connaître la mine. Et donc la démonter. « Pour cela, nous neutralisons la mine. C’est-à-dire que nous séparons la charge principale de son détonateur, après l’avoir remontée à la surface puis ramenée à terre. A l’aide d’instruments que nous adaptons pour une manipulation à distance, nous démontons l’ensemble du mécanisme que nous envoyons ensuite à l’analyse ». En matière de mines, l’imagination des constructeurs est sans limite. Mines déguisées en rochers, mines mobiles, mines intelligentes qui se déclenchent de manière aléatoire… « bien sûr, tout cela existe. Mais il faut quand même insister sur le fait que la plus grosse menace à laquelle nous avons à faire face, c’est la mine traditionnelle ». Un fût rempli d’explosifs qui se déclenchent soit par contact soit par « influence » magnétique ou acoustique. L’arme du pauvre, qui avec « un budget » de 10.000 à 15.000 euros permet de faire sauter une frégate à plusieurs centaines de milliers d’euros. « C’est une menace qui existe toujours. Le régime libyen avait, par exemple, miné ses approches. Les hommes du GPD y ont passé plus de neuf mois pour sécuriser la zone ».
(
MARINE NATIONALE)
Un contexte qui a amené les industriels à plancher sur la question. Comment sécuriser la chasse aux mines ? D’abord en éloignant le bâtiment de la cible, tout en la détectant de plus en plus loin. Et pour cela le drone parait la solution la plus adaptée. La marine nationale n’en est actuellement pas encore équipée, mais d’autres pays, comme la Norvège, le sont depuis plus de 10 ans. « Le drone est un outil très intéressant qui a toute sa place dans un dispositif de guerre des mines. Il permet de projeter un sonar puissant très loin et donc de mieux anticiper la réponse. Mais il ne peut être utilisé efficacement qu’avec les moyens humains, techniques et navals que nous avons actuellement. Il est impensable de faire reposer la mission de chasse aux mines sur une seule machine qui peut tomber en panne ou être arrêté par des obstacles très rudimentaires comme des filets de pêche, qu’il ne sait pas voir. A cela s’ajoute la difficulté de l’analyse des images. Le drone va partir du navire ou d’un autre drone « porteur ». Il va faire sa reconnaissance, son sonar va balayer la zone puis il va revenir au bateau. Là, il va falloir extraire des centaines, voire des milliers d’images qu’il va falloir décortiquer et analyser. C’est un processus à la fois très fastidieux et chronophage. De plus, le drone va effectuer une passe au-dessus de l’écho, ce qui ne va pas être suffisant à nos détecteurs pour définir le type de mines et donc la contre-mesure adaptée. C’est un moyen intéressant pour la Marine au sein du dispositif spécialisé actuel ».
((
MARINE NATIONALE)
Parfois, les hommes et les moyens de la guerre des mines partent bien loin de leur rade brestoise ou toulonnaise. Exercice de l’Otan en Baltique, sécurisation des approches des ports libyens… les opérations extérieures sont nombreuses. Jusqu’en 2009 la guerre des mines disposait d’un bâtiment de support dédié, le Loire, notamment pour le ravitaillement en soute et les télécommunications. Il n’a pas été remplacé suite à son désarmement. « En 2011, nous avons bénéficié du soutien du Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement Var. C’est une très bonne solution pour conduire les opérations. Mais qui ne pourra pas être forcément systématiquement reconduit. Nous étudions toutes les solutions possibles pour pouvoir être sur les théâtres d’opérations où nous sommes attendus, tout en préservant au maximum le potentiel de nos navires ». D’autres nations ont développé, en la matière, différents moyens de projection. Ainsi, les Etats-Unis ont récemment envoyé quatre de leurs chasseurs de mines dans le golfe arabo-persique à bord d’une barge.
Le BCR Var en opération de ravitaillement de CMT (
MARINE NATIONALE)
« Nous sommes une petite unité au sein de la Marine. Mais nous sommes des passionnés. La diversité des profils dans le recrutement de nos hommes, notamment au sein des trois groupements de plongeurs démineurs, fait que nous sommes une unité multiculturelle, ce qui est indispensable pour faire face aux nombreuses situations inédites auxquelles nous devons nous adapter ». Le commandant Benon est plongeur démineur. Et il en est fier.
(
MARINE NATIONALE)
A bord du chasseur Cassiopée
(
MARINE NATIONALE)
De l’autre côté du quai, ils sont là, les chasseurs aux noms de constellation. Huit des onze chasseurs de mines tripartites dont dispose la Marine nationale. Issu d’un programme mené en commun avec les Pays-Bas et la Belgique, les bâtiments ont été construits dans les années 1980 aux chantiers DCN de Lorient. 51.50 mètres de long, 9 mètres de large, avec une coque en composite et des boucles d’immunisation pour être amagnétique, ils ont tous été modernisés durant les dix dernières années. Ils sont armés par un équipage de 45 personnes, dont 12 opérateurs « chasse aux mines ». A bord de la Cassiopée, le deuxième de la série, le capitaine de corvette Tanguy Durand, commandant le bâtiment et plongeur démineur de spécialité, accueille chaleureusement, « parce que c’est toujours un plaisir de faire découvrir ces bateaux, leurs équipages et cette mission ». Sur le pont arrière, il y a beaucoup de matériel : des embarcations semi-rigides, un caisson hyperbare « pour les six plongeurs-démineurs du bord, qui plongent jusqu’à 55 mètres » et deux PAP. Les poissons auto-propulsés : deux robots, construits par la société ECA, filoguidés et contrôles depuis le centre opérationnel du navire, équipés d’une caméra pour inspecter les cibles et capables de transporter une charge pour effectuer un contre-minage.
Le PAP du Cassiopée (
MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Mise à l'eau du PAP (
MARINE NATIONALE)
Juste en dessous de la passerelle, il y a le centre opérationnel. « C’est d’ici que, en configuration de chasse de mines, tout est contrôlé, y compris la route du navire ». La méthode de recherche des mines est minutieuse : « un quadrillage serré de la zone à une vitesse de trois nœuds » A côté de sa propulsion principale assurée par un diesel alternateur de 2000 CV, le chasseur peut passer en propulsion électrique, ce qui lui donne une souplesse de manœuvre accrue et une signature acoustique beaucoup plus faible. Au CO, des consoles renvoient les images transmises par les sonars du bord. « Nous avons deux sonars: un sonar de coque et, depuis 2002, un sonar mobile, le sonar propulsé à immersion variable. Celui-ci peut monter et descendre dans la colonne d’eau, ce qui permet de s’affranchir de certains phénomènes parasites acoustiques et d’améliorer la détection ».
Le centre opérationnel (
MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Une fois qu’un écho est repéré, nous allons tourner autour pour voir comment son image acoustique se comporte ». Il ne suffit en effet pas de repérer l’écho, il faut également analyser son image acoustique sous tous les angles pour déterminer de quel type de mine il s’agit. « Il y a vraiment deux phases : la détection et la classification ». Dans le CO, les détecteurs sont entraînés pour analyser et discriminer rapidement les échos. Avec le tacticien, ils sont six par bordée. « C’est un travail très précis et qui demande énormément de concentration. » Auquel se rajoute la tension de travailler à proximité de cibles potentiellement très dangereuses. Alors, les marins se motivent en entretenant une petite compétition. « Nous sommes des chasseurs, nous débusquons, alors il y a toujours de la fierté à trouver une mine là où un autre bateau ou l’autre bordée ne l’a pas vu, une saine émulation », sourit le commandant. Et dans la coursive du Cassiopée, comme dans celle de tous les autres chasseurs, il y a évidemment un tableau de chasse.
Image d'une mine filmée par le PAP (
MARINE NATIONALE)
Pétardage d'une mine (
MARINE NATIONALE)