| | Bunkering (remplir la soute à charbon) | |
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Auteur | Message |
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Robert nous a quitté
Nombre de messages : 1320 Age : 96 Localisation : 1850 Grimbergen Date d'inscription : 02/07/2010
| Sujet: Bunkering (remplir la soute à charbon) Sam 8 Jan 2011 - 19:18 | |
| Bunkering (1ère partie)
A la fin de la seconde guerre mondiale, presque tous les navires de guerre étaient chauffés au fuel. La Royal Navy et la Kriegsmarine avaient cependant encore, pour des raisons différentes un certain nombre de navires avec des chaudières au charbon. Dans la RN il s'agissait essentiellement de chalutiers armés, produits en grand nombre par des chantiers encore spécialisés dans ce type de construction , et aussi la classe des baliseurs classe "Bar" qui n'opéraient que dans les eaux côtières britanniques et ainsi conçus pour utiliser le charbon du Pays de Galle et épargner le fuel. La Kriegsmarine avait aussi, et pour les mêmes raisons, un grand nombre de chalutiers armés, dits Voorpostenbboot pour assurer l'escorte de ses convois côtiers du Sud de la France occupée jusquau Skaggerak, et ne nombreux "Minensuchboote" (dragueurs de la classe M) par suite de la pénurie permanente de fuel que subissait la marine allemande. De 1946 à la fin de 1948, la FN avait en service trois navires au charbon, à savoir : le BREYDEL (ex Zinnia), le SLP 19, un ex Voorpostenboot allemand, et le baliseur BARCOK de la fameuse classe Bar. Quand ces navires devaient remplir leurs soutes, on disait qu'on allait "bunnequer", du mot anglais "bunker" pour soute. La FN avait accès à un grand dépot de briquettes de charbon appartenant à la SNCB pour le fonctionnement de ses locomotives à vapeur. Ce dépot jouxtait le quai du Vlotdok d'Ostende et il suffisait d'une grue de quai pour transférer des palettes de briquettes sur les navires amarrés au quai. Ces briquettes étaient en fait des sortes de grosses briques de poussière de charbon comprimé , gros et lourds parallélipipedes rectangles d'environ 30 x 15 x 15 cm. La grue déposait les palettes sur le pont, mais une équipe était nécessaire pour charger les palettes à la main dans le parc et une autre équipe sur le pont pour les transférer les briquettes, une à une à la main également , pour les jeter dans les puits des soutes à charbons, et là, il fallait encore descendre dans les soutes pour les empiler de sorte à pouvoir en "caser" un maximum. C'est un euphémisme de dire que c'était un travail très salissant. Les deux soutes du Breydel pouvaient contenir un maximum de 150 tonnes de briquettes, elles passait toutes, au propres comme au figuré par les mains des matelots de la corvée "bunkering". (à suivre) |
| | | Robert nous a quitté
Nombre de messages : 1320 Age : 96 Localisation : 1850 Grimbergen Date d'inscription : 02/07/2010
| Sujet: Bubkering (2ème partie) Lun 10 Jan 2011 - 12:59 | |
| Bubkering (2ème partie)Le Breydel avait deux soutes à charbon de part et d'autre de la chaudière. On les remplissaient par des puits fermés par une lourde taque de bronze qu'il fallait décaler au burin pour les ouvrir. Comme les puits étaient situés au niveau de la cheminée sur le pont supérieur, la présence des canots à moteurs et des baleinières empêchait la grue de déposer la palette près des puits, il fallait donc faire la"chaine" à la main pour enfourner les briquettes une à une dans les puits. Quand un palette avait été descendue , un homme devait descendre dans la soute pour les ranger de sorte qu'elles occupent le moins de place possible et ne s'accumulent pas au fond du puit. La descente dans le puit était un petit enfer. Il avait un bon 3 m.de profondeur et on descendait seul à tour de rôle par une petite échelle soudée à la paroi. On mettait sa plus vieille salopette ou un vieil uniforme n° 2 récupéré , Dieu sait où, une vieille serviette tournée autour du cou, des (mauvaises) lunettes de motocycliste , et si possible un vieux mouchoir mouillé comme masque anti poussières. Les copains laissaient descendre une baladeuse au bout de son fil. Dans la soute on se trouvait dans un vrai brouillard de poussière de charbon et il y règnait une chaleur d'enfer elle aussi. Il n'était pas possible de terminer le "rangement" d'une palette et on remontait tout encrassé, la poussière collant à la peau par la sueur, et un autre mataf descendait à son tour. Le chargement de 130 tonnes pris trois jours et demi. En fin de chaque journée on nettoyait le pont à grande eau pompée dans la dock. Il ne restait plus qu'à aller prendre une douche froide, car les installations de chauffage étaient en panne. Ceux qui sortaient devaient s'habiller avec précaution pour rester propre pour l'inspection du" liberty boat". Une petite anecdote en passant, en attente de l'inspection, je protégeais mon "white "front" avec le grand mouchoir à carreaux noirs et blancs du kit bag que je n'utilisais pas pour le garder blanc comme neige. Un soir en ville avec mon ami Paul Ginion, soudain celui ci éclata de rire, j'avais oublié de retirer mon mouchoir à carreau, et l'officier de quart,l'EV Lentacker ne s'en était pas aperçu. A la fin du "bunnequage" j'ai été prendre un bon bain chaud et me "shampouiner" au bain public qui existait au centre ville à l'époque. Je suis parti gèné par la baignoire qui était devenue toute grise. Pour terminer ,nous avions les yeux tout rouges et les bords des paupières tout noirs de charbon, nous disions que nous avions des yeux de "putain"! Et pourtant c'était le bon temps et on était contents parceque l'on allait naviguer... Mai 48, la « chaine » des briquettes sur le pont du Breydel. (La photo est malheureusement floue, au centre le soussigné) Pause repos pendant un « bunkering » sur le Barcock. |
| | | Mataf Daniel Vice-amiral
Nombre de messages : 1985 Age : 69 Localisation : Mouscron Date d'inscription : 25/10/2008
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 14:27 | |
| On dirait la sortie d'une mine !!! Les "pauvres" ils gardaient malgré tout le sourire ! Par contre le KAKI n'a pas l'air de s'être trop foulé Histoire intéressante ! Merci Robert |
| | | thierry0100 Amiral
Nombre de messages : 11015 Age : 56 Localisation : chatelineau Date d'inscription : 26/11/2010
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 14:33 | |
| bonjour robert
merci pour ce joli recit, on le sent plein de nostalgie et belle photos aussi même si la 1é est un peut floue je me demande combien pesait une briquette et combien de temps vous naviguiez avec votre chargement de briquettes
bonne après midi
thierry |
| | | Robert nous a quitté
Nombre de messages : 1320 Age : 96 Localisation : 1850 Grimbergen Date d'inscription : 02/07/2010
| Sujet: Bunkering Barcock Lun 10 Jan 2011 - 14:41 | |
| Merci pour la remarque, je n'y avais jamais songé, mais c'est la meilleure comparaison possible. Je répète, on prenait cela de bon coeur : deux raisons : ne pas subir la routine souvent étriquée de la Kazerne" Mahieu. En ce temps là, les matafs étaient de piquet un jour sur deux et de pouvaient donc descendre en ville qu'un jour sur deux également), et ensuite et surtout faire partie d'un équipage et naviguer (NB les embarqués avaient un petit complexe de supériorité sur les pauvres encasernés) On ne disait pas encore "Dépot des équipages" et le régime de la caserne était nettement basé sur les règlements de kakhis. |
| | | Roger B. Amiral
Nombre de messages : 2854 Age : 90 Localisation : bruxelles 1160 Date d'inscription : 04/01/2010
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 15:07 | |
| Bonjour Robert, Quand je suis entré à la ZM-FN ,j'ai entendu parlé les anciens du BARCOCK et du fameux " BUBKERING" sans se plaindre et avec le sourire pour ton récit amicalement Roger |
| | | polinar Amiral
Nombre de messages : 51420 Age : 73 Localisation : Dison / VERVIERS Date d'inscription : 02/11/2009
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 15:09 | |
| Et pourtant c'était le bon temps et on était contents parceque l'on allait naviguer... POUR MOI,qui ai connu le charbon,les charbonnières.et cette corvée qui m'a été imposée dès mon plus jeune age,de même que l'entretien de ces caves,ce n'était qu'une petite idée de ce que je viens de lire....eh bin!!!! |
| | | Gérald Amiral
Nombre de messages : 3617 Age : 59 Localisation : Dilbeek Date d'inscription : 13/07/2007
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 15:44 | |
| No Comment,
Voilà tes récits a jamais gravés sur internet.
Beau documents historique.
Bravo et encore encore des histoires.
Merci, |
| | | jean-luc V Amiral
Nombre de messages : 2049 Age : 74 Localisation : Genève, Suisse Date d'inscription : 17/06/2008
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 18:52 | |
| Très intéressant Robert, A St Kruis en début des années 70 il y avait quelques vieux 1MT qui avaient été "stocker van wacht" en mer et ils nous disaient que c'était très dur en mer pour allimenter les chaudières au charbon. Pourrais-tu nous en dire plus ? Merci encore. |
| | | Robert nous a quitté
Nombre de messages : 1320 Age : 96 Localisation : 1850 Grimbergen Date d'inscription : 02/07/2010
| Sujet: Travail des stokers Lun 10 Jan 2011 - 19:55 | |
| Les stokers,terme anglais pour chauffeur, avaient effectivement une vie très dure. Le terme stoker à la FN ne couvrait pas uniquement les chauffeurs à la chaudière mais était un terme générique pour tous ceux qui travaillaient dans la machine.(Chauffeurs,graisseurs et donkeymen) - l'ensemble des chaudières était très sale, très bruyant en mer,avec les pistons de la machine à triple expension qui battaient la mesure. très gras et très huileux.et très chaud. Les stokers qui descendaient de quart étaient presque aussi sales que ceux qu'on voit sur la photo du Barcock. - il y avait parfois des jets de vapeur fusant de l'un ou l'autre joint déserré - sur le Breydel, il y avait (si je me rappelle bien )trois portes à ressort aux chaudière que les stokers ouvraient pour lancer leurs pelletées de charbon dans le foyer ardent. - trois portes à ressort et contre -poids permettaient de laisser sortir des quantités de charbon qui roulaient sur le plancher métallique. -sur les navires qui brûlaient des briquettes, les chauffeurs devaient "trimer" les briquettes, c'est à dire les briser à la masse pour les réduire en morceaux qu'on pouvait pelleter.Ce qui ne se faisait pas sans jaillissement de poussières. Les chauffeurs étaient souvent choisis parmis les costauds, souvent manoeuvres ou habitués à des tâches lourdes dans le civil. Sur le Breydel les matelots de pont descendant de quart par mauvais temps descendaient souvent à la machine pour se réchauffer un peu et en ramener un seau d'eau chaude pour se laver. Pour terminer, à Ostende, beaucoup de chauffeurs allaient calmer leur soif, et autre chose aussi, dans certains établissements de la rue de la Capelle ou du Hazegras ! Les bagarres avec les NP n'était pas rares. Jai vu un de nos stokers rentrér à bord avec deux jours de retard passés à l'infirmerie et au cachot de Mahieu, il n'était pas très beau à voir, sa figure encore toute boursoufflée, rougeâtre et avec un peil poché, après un sérieux passage à tabac par les NP qui n'étaient pas des enfants de coeurs et savaient user de leurs de longues matraques blanches... Il faut dire que notre stoker était un solide "veulevechter" des Marolles à Bruxelles et qu'il éclusait très bien les pintes de bière. C'était un autre époque qu'il ne faut pas voir avec des yeux d'aujourd'hui, en général les gens n'étaient pas plus malheureux quue de nos jours et certainement moins pressés, plus patients et moins stressés . |
| | | Robert nous a quitté
Nombre de messages : 1320 Age : 96 Localisation : 1850 Grimbergen Date d'inscription : 02/07/2010
| Sujet: Stokers Lun 10 Jan 2011 - 20:22 | |
| J'ai oublié de dire qu'en mer il fallait un estomac bien accroché pour ne pas être malade dans les odeurs d'huile, de cendrées et de poussières de charbons, et aussi avoir un bob pied marin quand le temps était un peu fort pour pouvoir trimer et pelleter sur le sol graisseux... |
| | | jean-luc V Amiral
Nombre de messages : 2049 Age : 74 Localisation : Genève, Suisse Date d'inscription : 17/06/2008
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 20:56 | |
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Merci Robert pour tous ces détails.
Il me semblait que ces anciens Stockers parlaient de problèmes de sur-pression ou sous-pression atmosphériques dans les machines entre les compartiments. Je ne me rappelle plus très bien ni où ni comment ?
Il fallait combien de temps depuis l'allumage des chaudières le puissance opérationnelle pour appareiller ?
Je suppose que l'électricité était fournie aussi par les chaudières, il n'y avait de générateur diesel ?
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| | | René Amiral
Nombre de messages : 7392 Age : 66 Localisation : Trazegnies Date d'inscription : 23/12/2010
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 21:32 | |
| Comme mécanien de Marine, je n'avais jamais entendu parler de (bunkering ou barcock). Très intéressant. Autre chose que de ravitailler en fuel ... pour ce travail de mémoire. |
| | | Mataf Daniel Vice-amiral
Nombre de messages : 1985 Age : 69 Localisation : Mouscron Date d'inscription : 25/10/2008
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Lun 10 Jan 2011 - 21:53 | |
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| | | le Baron Amiral de division
Nombre de messages : 1583 Age : 59 Localisation : Liège (Bel) Date d'inscription : 17/08/2007
| Sujet: Re: Bunkering (remplir la soute à charbon) Mar 11 Jan 2011 - 9:46 | |
| - jean-luc V a écrit:
- Il me semblait que ces anciens Stockers parlaient de problèmes de sur-pression ou sous-pression atmosphériques dans les machines entre les compartiments. Je ne me rappelle plus très bien ni où ni comment ?
Il fallait combien de temps depuis l'allumage des chaudières le puissance opérationnelle pour appareiller ?
Je suppose que l'électricité était fournie aussi par les chaudières, il n'y avait de générateur diesel ? Les chaudières du Zinnia/Breydel étaient des chaudières cylindriques, du type "scotch" (écossais), à tubes de fumées. Celles-ci disposaient d'un réchauffeur "Howden", les gaz d'échappement réchauffaient l'air d'alimentation des chaudières, l'alimentation se faisait par des ventilateurs entrainés par une machine à vapeur monocylindrique, il n'y a que le foyer de la chaudière qui était sous pression. Pour charger le charbon sur le foyer, il fallait faire baisser cette pression, sinon des retours de flammes brulaient les chauffeurs. Sur certaines algérines, bouzouf typiquement anglais, les chaudières étaient chauffées au fioul, c'est toute la salle de chauffe qui était mise sous pression, avec un sas d'accès et des lampes indicatrices de porte ouverte ou fermée. Au cas où, par accident, les deux portes étaient ouvertes en même temps, les retours de flamme se répandaient dans toute la salle de chauffe. Quand je suis rentré à la Marine en 1983, il y avait un sous-off instructeur qui avait été victime d'un retour de flamme sur algérine, il était pas beau à voir, le visage a moitié brûlé au deuxième degré et trois doigts en moins... Comme les chaudières de type Scotch contenaient beaucoup d'eau, la mise sous pression durait longtemps, plus ou moins 4 heures. Les chaudières sur algérines, à tubes d'eau, atteignaient leur timbre très vite, moins d'une heure. Démarrer une chaudière à froid était un boulot de fou, quand celle-ci était au charbon, ça allait encore, mais au fioul, il fallait d'abord réchauffer le fioul dans les 70-80°C dans un réchauffeur souvent alimenté ... au charbon, ce fioul était envoyé vers les brûleurs avec une grosse pompe à piston, entraînée par une manivelle, style les Dupont et Dupond dans le trésor de rackham le rouge, et quand la pression étai suffisante, on démarrait les auxiliaires (pompes de fioul à vapeur, ventilation, etc...). Les plus jeunes se souviendront du quai à Plymouth, ou des conduites de vapeur fuyaient par ci par là, ces conduites permettaient d'alimenter un navire en vapeur sans que ses chaudières ne tournent, idéal pour démarrer les chaudières du bord en faisant déjà tourner les machines du bord nécessaires à l'allumage des chaudières le courant à bord à cette époque était fourni par des dynamos, soit entrainées par des machines à vapeur à pistons, soit par des turbines à vapeur du type Rateau ou Curtiss, le voltage était souvent de 115 Volts en courant continu. Anecdote amusante: le 1MC Corrente, Romano de son prénom, Nino pour les femmes, m'a un jour raconté un truc marrant sur la chauffe des chaudières. Comme il sortait de l'ESNA avec un ticket de troisième mécanicien et qu'il avait bien étudié, il avait compris qu'en emplissant d'eau sa chaudière plus que celle de son copain, le volant thermique de sa chaudière supplantait celui de l'autre, ce qui fait que lui réglait une fois pour toutes son arrivée d'eau et de fioul, et il pouvait s'assoir, tandis que son copain n'arrêtait pas de courir dans tous les sens pour réguler sa chauffe... TSHAW! Laurent |
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