Les deux dernières semaines en Méditerranée orientale pourraient rappeler à un observateur occasionnel une sorte de défilé militaire, les membres de la coalition dirigée par les États-Unis apportant un nombre croissant de moyens militaires dans la région.
Le nombre de navires de guerre battant divers drapeaux et envoyés en tant que manifestation de force vers la Méditerranée orientale augmente chaque jour. Les navires de guerre du groupe naval 2 de l’OTAN, dont le HNLMS De Ruyter de la Marine royale des Pays-Bas, le Grec Elli, le NCSM Ville de Québec de la Marine royale canadienne et quatre destroyers américains avec des Tomahawks – USS Carney, USS Ross Churchill et USS Bulkeley. Même le vaisseau amiral de l’US Navy de la Sixième Flotte l’USS Mount Whitney a fait son apparition dans la région avec au moins trois des sous-marins nucléaires polyvalents de la classe Los Angeles, dont l’USS Newport News, qui était précédemment stationné à Gibraltar.
Bien plus encore, cette gigantesque force a ensuite été rejointe par un groupe d’attaque de porte-avions américain, dirigé par l’USS Harry S. Truman, emmenant avec lui le croiseur lance missile USS Normandy et un certain nombre de destroyers.
La France a également maintenu sa frégate de classe FREMM Auvergne stationnée dans la région. Il faut rajouter à cela que le FGS Augsburg allemand a traversé le détroit de Gibraltar et est entré en Méditerranée le 21 septembre dernier.
Entre-temps, les médias d’entreprise essaient désespérément de nous convaincre qu’un nombre sans précédent de navires militaires déployés en Méditerranée orientale doit être attribué au conflit en cours en Syrie. Ils affirment qu’il s’agit d’un moyen d’intimidation visant à dissuader Damas d’organiser une « attaque chimique » par ailleurs totalement illogique à Idlib, comme s’il existait une seule explication viable permettant aux autorités syriennes d’envisager une telle option.
Mais est-ce la seule raison d’une concentration aussi urgente des forces armées occidentales en Méditerranée orientale ? Quelle est la raison d’être de cet événement sans précédent ?
Il faut être conscient du fait que le conflit en Syrie fait rage depuis des années et que, à ce stade, il se rapproche de sa fin. Pour lancer une transition vers une vie pacifique et entamer une discussion sur les arrangements d’après-guerre du pays, le président Bachar al-Assad doit reprendre le contrôle du dernier gouvernorat encore occupé par les islamistes radicaux – Idlib. Les perspectives d’un règlement pacifique du conflit syrien et de la situation autour d’Idlib ont été grandement facilitées par le plan d’action conjoint approuvé par le président russe avec son homologue turc à la mi-septembre.
Par conséquent, l’Occident n’a aucun prétexte réel pour poursuivre la concentration de ses forces armées en Méditerranée orientale, car il n’a aucun moyen d’attribuer cette accumulation à la situation actuelle en Syrie. Néanmoins, ce processus se poursuit. Au même moment, le Pentagone a récemment intensifié les négociations avec la Grèce en vue d’étendre sa présence militaire sur le territoire de ce pays européen.
Donc de quoi est-il question ?
Une analyse attentive de la situation en Méditerranée orientale montre que, dans un avenir proche, un nouveau conflit pourrait éclater dans cette région, qui sera beaucoup plus violent que les hostilités précédentes, car il s’agira essentiellement d’un engagement ouvert à tous. En comparaison, le conflit syrien qui fait toujours rage aura l’air d’un événement mineur. La force motrice de cette lutte future est l’énorme gisement d’hydrocarbures de la Méditerranée orientale, qui détiendrait les troisièmes plus grandes réserves mondiales de gaz naturel. L’Occident, qui a effectivement établi un contrôle étroit sur plus de la moitié de tous les gisements énergétiques du golfe Persique, était prêt à sauter sur l’occasion pour assurer son emprise sur la Méditerranée orientale, mais ne savait pas à quel point la future bataille pour les ressources locales allait être meurtrière. Cependant, l’horloge tourne maintenant. ExxonMobil va lancer une mission d’exploration dans les champs gaziers de Chypre, une partie de sa zone économique exclusive. Par ailleurs, Total, Shell, Eni, Qatargas, Noble Enerji et Kogas ont tous prévu de commencer la production de gaz dans la région.
Comme on pouvait s’y attendre, la Turquie n’a pas non plus l’intention de rester les bras croisés, car elle a également accru considérablement sa présence militaire en Méditerranée orientale, tout en bloquant toutes les tentatives de l’Eni italienne de commencer à forer, Ankara faisant valoir que cette société agissait en violation de son droit exclusif. De son côté, Ankara prévoit de commencer la production de gaz sur le plateau, car elle dispose de son propre navire de forage, le Fatih, qui sera assisté par un certain nombre d’autres navires engagés pour des travaux de forage et d’exploration. Il est possible que le début du forage par la Turquie dans les zones contestées, qui restent maintenant sous le contrôle des autorités grecques dans le sud de Chypre, puisse conduire à une exacerbation rapide des hostilités dans la région.
La partie nord de Chypre a également fait des revendications sur les champs contestés grâce à l’aide de la Turquie. C’est peut-être la raison pour laquelle les autorités du sud de Chypre ont autorisé la France à utiliser les bases aériennes et navales de l’île. De plus, Londres et Washington ont depuis longtemps établi leurs propres installations militaires à Chypre, qui restent pleinement opérationnelles. Il n’est donc pas surprenant que les journaux grecs et chypriotes grecs commentent avec consternation les préparatifs de l’automne en Méditerranée et prédisent qu’une nouvelle guerre sanglante se profile à l’horizon. La principale préoccupation d’Athènes et de Nicosie est la flotte turque.
La Syrie, elle aussi, va produire du gaz sur sa section du plateau, car elle a déjà signé des contrats avec des producteurs d’hydrocarbures russes et chinois. Selon le US Geological Survey, le plateau syrien peut contenir jusqu’à 700 milliards de mètres cubes de gaz, soit deux fois plus que ce que l’on trouve sur le continent. Comme l’a déclaré le ministre syrien du pétrole et des ressources minérales, Ali Ghanem, la production de gaz sur le plateau sera lancée dès 2019.
Jusqu’à présent, les seuls pays qui ont commencé à produire sur le plateau sont Israël et l’Égypte. Le Liban est toujours freiné par le processus d’octroi de licences et a également un différend avec Israël au sujet des droits sur le plateau continental, de sorte que ses perspectives dans cette course semblent sombres.
Il est clair qu’à l’heure où les principaux acteurs internationaux se disputent les droits exclusifs de production de gaz en Méditerranée orientale, un certain nombre de pays qui n’ont aucune expérience dans ce domaine tenteront d’obtenir leur propre part du gâteau. Cela rend encore plus volatile une situation déjà imprévisible.
Mais, bien sûr, la véritable motivation de l’exacerbation des tensions au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale est beaucoup plus complexe que cela. Il y a une concurrence géopolitique féroce entre les grandes puissances pour l’avenir d’un nouvel ordre mondial beaucoup plus vaste.
Source :
https://journal-neo.org/2018/09/27/an-ever-increasing-number-of-military-ships-arrives-to-the-eastern-meddit/